
Le Destin des Déchets
«Quand le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché,
alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas.» (Proverbe Indien)
Les Continents de plastique : mythe ou réalité?
Depuis 1950, notre consommation en plastique, accompagnée de la pollution marine, se sont fortement accrues. Chaque année ce sont plus de 260 millions de tonnes de plastique qui sont produits dans le monde (2). Bien que le recyclage soit une des principales préoccupations actuelles, un dixième de cette production finit dans les mers et les océans. 80% de ces plastiques retrouvés en mer proviennent des continents. Les 20% restants sont quant à eux issus des navires (3). C’est en 1997 que le Capitaine Charles Moore, fondateur de l’Algalita Marine Research Institute (AMRI), découvrit une immense poubelle de plastique flottant au Nord du Pacifique aujourd’hui connue sous le nom de « Plaque de Déchets du Pacifique Nord ». Cet énorme amas aurait, d’après l’AMRI, triplé de volume depuis la fin du XXème siècle. Aujourd’hui il mesurerait environ 3,5 millions de km², soit six fois la France (1 et 4). D’autres Continents de plastique ont été découverts dans le monde : un dans le Sud du Pacifique, deux dans l’Atlantique et un dans l’Océan Indien. Les plastiques moins denses que l’eau vont flotter pendant des années avant de se concentrer au même endroit sous l’effet des gyres océaniques tandis que les plus denses tomberont au fond des océans. Ces gyres sont de gigantesques tourbillons d’eau provoqués par la force de Coriolis et formés par un ensemble de courants marins. Il en existe cinq principaux, concentrant les cinq plus grandes plaques de déchets.
Les gros déchets observables sur les photographies ne sont que la partie immergée de l’iceberg. En effet, sur la Plaque du Pacifique Nord, les déchets plastiques s’étendraient jusqu’à 100m de profondeur par endroit (3). Certains déchets dérivent également en milieu terrestre sous l'influence des courants. C'est le cas de la plage de Kamilo Beach à Hawaï par exemple où des milliers d'immondices y sont venues s'échouer. Le pire dans tout cela est la dégradation des gros morceaux de plastique en microparticules par l’érosion et le rayonnement solaire, qui entrent alors dans la chaine alimentaire marine. Invisibles mais bien présents, Charles Moore affirme qu’il y aurait deux millions de bouts de plastique (dégradés ou non en microparticules) par km² dans ce gyre. Ces continents contiennent 6 fois plus de plastique que de phytoplancton, organismes à la base de la chaine alimentaire marine. Ces milieux sont devenus de véritabes "soupes de plasitque".
Ces petits morceaux de plastique sont donc responsables de la mort prématurée, et non sans douleur (éclatement de l’estomac, perforation des intestins, mort de faim, étouffements), de plus de 260 espèces animales (4). Etant de tailles, de formes et de couleurs variées, beaucoup d’Oiseaux les confondent pour de petits Poissons. Ainsi, dans les zones avoisinant les Continents de plastique, il n’est pas rare de retrouver des Oiseaux marins morts avec à l’intérieur des briquets, des bouchons et autres morceaux de plastique. Les sacs plastiques sont également confondus avec des Méduses par les Tortues marines provoquant leur mort. Les autres morceaux, s’ils ne sont pas ingérés, occasionnent des dommages importants sur la physiologie des êtres vivants comme le montre cette photo d’une Tortue serpentine. S’étant coincée dans ce rond de bouteille étant petite, elle n’a pas su s’en débarrasser. Son corps a dû s’adapter lors de sa croissance…
Les plastiques, une fois dégradés en microparticules, sont ingérés par les organismes filtreurs. Nous retrouvons donc ces micro-plastiques dans les tissus de nombreuses espèces tels le Zooplancton, les Huitres, les Poissons, les Crustacés, les Vers marins etc. Nous retrouvons également ces micro-plastiques en grande concentration dans les tissus des Baleines à fanon et les Requins pèlerins par exemple. Prenons l’exemple de la Baleine bleue. D’après le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), la Baleine bleue peut ingurgiter 3600 kg de phytoplancton par jour ! Maintenant imaginez si chaque individu de la population de krill a ingéré des micro-plastiques, la Baleine concentrera donc ces microparticules en des quantités importantes dans ses tissus. Tout cela pour dire que chaque espèce se trouvant dans un étage supérieur de la chaine alimentaire a des concentrations très élevées de micro-plastiques dans leurs tissus comparé aux espèces basales de la chaîne, c’est le principe de la bioaccumulation. En plus d’être non digérables, ils se comportent également comme des éponges, c'est-à-dire qu’ils se gorgent de produits toxiques comme les PCB et les DDT, présents en grande quantité dans nos océans. Ces produits ingérés suivent aussi le principe de bioaccumulation.
Des effets physiologiques dus à la concentration de ces toxines dans les tissus ont été mis en évidence par les scientifiques (4) comme :
- une diminution de la qualité des gamètes provoquant donc un dysfonctionnement de la reproduction chez certaines espèces comme les Huitres,
- des problèmes de croissance observés chez les larves,
- une modification du comportement alimentaire.



Localisation des cinq principaux gyres dans le monde.
Localisation approximative des Continents de plastique.
Les morceaux de plastique sont souvent pris pour de la nourriture par de nombreux animaux...
Tortue serpentine prise dans un rond de bouteille de lait
Echantillonnage réalisé dans la Plaque Nord du Pacifique
Micro-organismes ayant ingéré des microplastiques (en vert)
Illustration de la bioaccumulation.
La bioaccumulation correspond à l’augmentation de la concentration d’une substance toxique dans les organismes vivants.
Comme les plus gros animaux mangent de plus petits animaux, l’augmentation du taux de contamination des prédateurs dépend du taux de contamination contenu dans leurs proies.